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habiter la forêt

Dans le cadre de la Fête de la Science, avec le soutien de la Région des Pays de la Loire

Du 2 au 22 octobre 2020

vendredi 2 octobre, 18h30  : Film
Rêves de Akira Kurosawa (Japon, 117 minutes).
Projection précédée d'un exposé sur le paysage, par Fabienne Joliet, Institut Agro-Agrocampus Angers, UMR ESO, et suivie d'un buffet convivial

Autant en emportent les paysages
Rêves est un chef d'œuvre paysager. Par l'esthétique des paysages qui sous-tend le discours engagé du film, Kurosawa transcende les sensibilités. La beauté crée l'attachement, la contemplation éveille les consciences : elles sont le premier pas vers le respect… de la nature, un théâtre dans lequel les hommes jouent parfois à leurs dépens.
L'esthétique que portent en eux les paysages du film de Kurosawa procure une immersion viscérale dans les cataclysmes contemporains que l'homme a engendrés au sein de la nature et contre lui-même : une mise en garde contre les affres de la guerre, les dangers du nucléaire, la destruction de l'environnement, soit un avertissement onirique aux hommes qui courent à la perte de la nature et par là-même à leur propre perte.

Le 122, Tiers-Lieu, 122 rue de la Chalouère, Angers
Gratuit, Restauration sur place

dimanche 4 octobre, 14h30 à 17h : Atelier d'écriture, Ecrire la forêt
"Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n'y est pas..." La forêt, poumon vert de la planète, est aussi source de fantasmes et parfois de peurs.
Venez écrire dans la forêt automnale avec l'association Passez-moi l'expression  !
Des exercices pour développer votre imaginaire et vous perdre comme le petit Poucet… Supports variés (photos, vidéo, textes...). Ambiance conviviale, collation offerte.

La Marge, 7 rue de Frémur, Angers
Jauge limitée à 8 personnes
12 €, réduit 9 € - cycle de 4 ateliers : 40 €, réduit 33 €
Renseignements et réservations :  passezmoilexpressionasso@gmail.com

mardi 6 octobre, 20h : Film
L'Etreinte du serpent (Colombie, 123 min.) de Ciro Guerra, avec présentation et débat en présence de Louis Mathieu, président de l'association Cinéma Parlant, et de Alice Bériot, anthropologue et activiste en Amazonie colombienne
Cinéma Les 400 coups, 2, rue Jeanne Moreau, Angers
Tarifs habituels aux 400 Coups : 8,20 €, réduit 6,60 €, carnets 5,40 € ou 4,80 €, moins de 26 ans 6 €, moins de 14 ans 4 € - tarif groupe, les matins  également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,90 € 

mercredi 7 octobre, 18h30 : Conférence scientifique
Écouter et faire parler la forêt : les Amérindiens d’Amazonie et leur environnement, par Vincent Hirtzel, docteur en anthropologie sociale et ethnologie, membre du centre Recherche et enseignement en ethnologie amérindienne du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Université Paris Nanterre, CNRS)

Les ethnologues Théodore Koch-Grünberg et Richard Evans Schultes qui ont inspiré les personnages du film L’Étreinte du serpent ont contribué à montrer que les populations autochtones du bassin amazonien ne vivaient pas seulement dans une forêt luxuriante, mais aussi, pour emprunter une expression de Philippe Descola, dans une "forêt de signes". Mais qu’est-ce qu’une forêt de signes exactement ? 

Vincent Hirtzel consacre ses recherches de terrain aux Yurakaré du piémont andin bolivien et s'intéresse plus particulièrement à l'articulation entre sociétés amazoniennes et andines dans une perspective aussi bien ethnographique qu'ethnohistorique.
ESTHUA, Université St-Serge, 7, allée François Mitterrand, Angers
Gratuit

jeudi 8 octobre, 20h  : Conférence légendaire  
Une terre et des hommes ou la nature primitive par Geoffrey Ratouis, docteur en histoire

Entre les hommes et cette terre qui les voit naître, grandir et disparaître s'est nouée une relation ambigüe, où se mêlent amour, reconnaissance, peur et trahison. De l'homme faisant un tout avec la nature ou de la nature que l'homme se doit de dominer, le débat philosophique est posé, traversant les siècles et les esprits, d'ancestrales légendes aux plus grands succès du cinéma.
Institut Municipal, place Saint-Eloi, Angers
Gratuit

du lundi 5 au vendredi 9 octobre, de 9 à 12h et de 14 à 17h : Expositions
La forêt, une communauté vivante 

Les forêts sont le milieu terrestre qui concentre le plus grand nombre de formes de vie et d’espèces. Les forêts jouent un rôle essentiel dans les cycles de l’eau, du carbone et de l’oxygène. Elles contribuent à fabriquer, enrichir et protéger les sols. Des centaines de millions de personnes en tirent leurs moyens de subsistance. Elles sont aussi la source d’une grande part de nos médicaments.
Histoires d'émergences de maladies des plantes
A travers cette exposition réalisée avec des chercheurs en pathologie végétale (INRA, ANSES), le lecteur mène l’enquête sur trois maladies émergentes introduites en Europe (Xylella fastidiosa, Pseudomonas syringae pv. actinidiae, Venturia inaequalis). Le voyage des plantes, la mondialisation, le changement climatique et les nouvelles pratiques culturales en sont les complices.
Lycée Joachim du Bellay, Angers

Gratuit - Réservation: 02 41 43 64 12, ce.0490002l@ac-nantes.fr (Labo de SVT)

jeudi 15 octobre, 20h  : Film documentaire
L'Intelligence des arbres de Julia Dordel et Guido Tölke (2016 - 45 minutes). Projection suivie d'un commentaire critique et d'un débat avec Gilles Galopin, enseignant-chercheur à Agrocampus, spécialiste des arbres

Comment les arbres communiquent et prennent soin les uns des autres : Un forestier en Allemagne, Peter Wohlleben, a observé que les arbres de sa région communiquent les uns avec les autres en s'occupant avec amour de leur progéniture, de leurs anciens et des arbres voisins quand ils sont malades. Il a écrit le bestseller La Vie Secrète des Arbres qui a émerveillé les amoureux de la nature. Ses affirmations ont été confirmées par des scientifiques à l'Université du British Columbia au Canada.
Ce documentaire montre le travail minutieux et passionnant des scientifiques, nécessaire à la compréhension des interactions entre les arbres ainsi que les conséquences de cette découverte.

Institut Municipal, place Saint-Eloi, Angers
Gratuit

jeudi 22 octobre, 13h30 : Film
Princesse Mononoké (Japon, 135 min.) de Hayao Miyazaki, avec présentation et débat en présence de Gildas Jaffrennou, enseignant cinéma, spécialiste du cinéma japonais d'animation
Cinéma Les 400 coups, 2, rue Jeanne Moreau, Angers
Tarifs habituels aux 400 Coups : 8,20 €, réduit 6,60 €, carnets 5,40 € ou 4,80 €, moins de 26 ans 6 €, moins de 14 ans 4 € - tarif groupe, les matins  également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,90 € 

Commentaires

Textes de Philippe Parrain

Habiter la nature… en faire son habitat, ou bien son habit, un vêtement qui vous identifie en se moulant au plus intime de votre corps, au point de devenir une seconde peau, telle celle, synthétique, dont le chirurgien de Piel que habito revêt sa cobaye. Et, par là même, changer de nature. Pas forcément se recouvrir de poils ou de plumes comme le loup-garou ou la femme-cygne, voire d'un infâme grouillement comme le dieu-sanglier de Princesse Mononoké. Mais tout simplement s'imprégner, à la façon des personnages de L'Étreinte du serpent, de l'environnement "sauvage" de la forêt.

Mais l'histoire de l'humanité nous montre d'autres façons d'habiter la nature. Cinélégende se propose d'en explorer certaines à la façon dont Akira Kurosawa, dans son film Rêves enchaîne les étapes de sa rêverie : de l'émerveillement dans la forêt à la dévastation planétaire, en passant par le sourire des jardins et l'asservissement de la terre, avec en perspective l'espoir d'un réveil écologique…

L'Etreinte du serpent

Les personnages des deux explorateurs ont été directement inspirés par des personnes réelles, Theodor Koch-Grünberg et Richard Evans Schultes, qui ont visité, au moment de la révolution industrielle, puis de la seconde guerre mondiale, cette région du sud-est de la Colombie. Irriguée par les rivières qui vont former le fleuve Amazone, elle abrite une multiplicité d'ethnies et un formidable réservoir de biodiversité. Un territoire dont l'équilibre a été bouleversé par l'exploitation du caoutchouc qui a engendré une véritable guerre et entraîné d'importantes transformations culturelles et sociales.

La grande originalité du film repose sur le point de vue : le réalisateur - qui cependant vient de la ville - a choisi d'observer ce temps de mutation à travers les yeux d'un Indien, d'un autochtone viscéralement lié à ce territoire et à ses traditions. "Ce personnage, Karamakate, est peut-être le premier héros indien du cinéma colombien, mais c'est aussi une personne avec qui n'importe qui dans le monde peut s'identifier", nous dit Ciro Guerra qui accorde autant d'importance à l'imaginaire qu'à la réalité et qui, par ailleurs, justifie le choix du noir et blanc pour dépeindre ce monde luxuriant : "Les humains, les animaux et la nature sont faits de la même matière, on se croirait dans un autre monde…. c'était impossible de reproduire la vraie couleur de la jungle ?: il s'y trouve beaucoup plus de tonalités que celles que peut capter la caméra"

Princesse Mononoké 

Princesse Mononoké s'inscrit dans la tradition japonaise du "jidaigeki" (drame historique), qui enchaîne péripéties et scènes de bataille. Il évoque le Japon de l'ère Muromachi qui marque le passage du pays à la modernité et se réfère à des préoccupations très actuelles. Ce film, d'une richesse et d'une beauté envoûtantes, est en même temps conte philosophique, récit fantastique et fable écologique.

Miyazaki explicite ainsi sa démarche : " Je n'étais pas satisfait de l'image que les studios Ghibli donnaient de l'homme face à son environnement. En particulier la manière douce, idyllique, dont nous avons montré le rapport à la nature. Je pense que dans la relation entre l'homme et la nature, il y a un aspect terrible, quelque chose de beaucoup plus vaste... "

Il s'inspire du patrimoine imaginaire japonais pour lequel le monde est habité par de multiples kami qui, en tant que divinités, sont objets de cultes. Ils incarnent tout ce qui peut être animé ou inanimé, aussi bien les arbres, les animaux ou les phénomènes naturels que les pierres ou les objets de la vie quotidienne. Il convient de les ménager et de les traiter avec déférence, car ils peuvent se montrer aussi impitoyables que bénéfiques. La forêt et la montagne sont leurs domaines réservés, et ce n'est pas impunément que l'on y pénètre. Les kodama en particulier sont les "esprits des arbres". Ce sont tous ces petits lutins à l'air espiègle qui, dans le film, hantent les sous-bois, matérialisant la force vitale qui anime la forêt : leur présence sont un signe de santé, mais ils dépérissent si celle-ci est menacée.

Rêves 

Un des derniers films du grand réalisateur japonais Akira Kurosawa (Rashomon, Les sept Samouraïs, Kagemusha…), réalisé à l'âge de 80 ans, Rêves apparaît comme un film-testament qui nous permet de pénétrer dans l'intimité de ce créateur qui fut également peintre, et qui était aussi profondément ancré dans la tradition japonaise qu'il était ouvert aux apports occidentaux.

Il s'agit d'un émouvant témoignage sur ses émerveillements et inquiétudes face à un monde qu'il voit changer ; un témoignage qui, avec l'évocation de l'explosion d'une centrale nucléaire, s'est révélé cruellement prémonitoire.

Le film ne s'en conclut pas moins sur la vision d'un monde pacifié, idyllique, dont on pourrait rêver qu'il soit également prémonitoire au terme d'une révolution écologique.

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thèmes mytho-légendaires du film

Qui dira le sentiment qu'on éprouve en entrant dans ces forêts aussi vieilles que le monde, et qui seules donnent une idée de la création, telle qu'elle sortit des mains de Dieu ?
Châteaubriand Voyage en Amérique

C'est jusqu'au cœur de la forêt que Theo et Evan s'enfoncent pour aller consulter Karamakate qui s'y est réfugié, en ermite, loin de toute société, dans l'intimité de la nature. Une forêt périlleuse, mais providentielle, nourricière, en quelque sorte féminine et maternelle pour ces protagonistes masculins. Les Amazoniens l'évoquent en tant que Sachamama, la "forêt-mère". C'est ainsi que s'exprime la féminité dans ce film qui s'inscrit dans une région qui n'ignore pas le matriarcat : une puissance supérieure à la fois féconde et virginale. La forêt primitive n'est-elle pas qualifiée de forêt "vierge" ? Elle est la mère universelle, antérieure à toute création, qui habite un temps où, nous dit le Popol Vuh des Mayas-Quichés, «  les enfants n'avaient pas de pères et les femmes pas de maris. » On y reconnaît la figure de la Grande-Déesse, cette Terre-Mère qu'il est devenu conventionnel de placer à l'origine de toutes les traditions, et dont Cybèle en Grèce ou Kali en Inde sont des incarnations tout aussi redoutables que bienveillantes.

Mais Sachamma est également la "mère de la forêt", et en fait de tous les êtres vivants qui la peuplent ; et elle est incarnée par un gigantesque serpent mythique dont la réputation est bien ancrée dans la population amazonienne : un boa constrictor qui, couvert de mousse, de lianes et de plantes, se tient immobile dans les sous-bois, comparable à un tronc d'arbre abattu, mais qu'il faut bien se garder de déranger si on ne veut pas être avalé par son énorme gueule. On parle également de l'anaconda Yacumama, la "mère de l'eau", qui est, elle, capable de sommeiller pendant des années sous les eaux du fleuve. Malheur au pêcheur qui aurait l'audace de la provoquer en pénétrant son domaine. Elle provoquerait un tel remous qu'elle engloutirait à jamais l'homme et son embarcation.

Cira Guerra construit tout son film autour des thèmes entrelacés de la forêt, de l'eau fluviale et du serpent. Les images du générique, avec la reptation des serpents emmêlés, évoquent un chaos primordial, informe, où la génération se confond avec la dévoration. Fréquemment la forêt se confond avec son reflet dans les eaux mouvantes. Les hommes sont montrés incrustés dans la végétation, à moins qu'on ne les voie émerger d'un détour du fleuve. Nous nous retrouvons plongés dans un territoire clos, organique, sans aucune référence à un monde extérieur, en un temps d'avant le temps.

les boucles du temps

Je dois me rappeler, et perpétuer la chanson des Cohiuanos.
Karamakate à Evan

On sait que le temps n'est pas forcément linéaire, allant du passé à l'avenir, de la naissance à la mort, de la Genèse à l'Apocalypse, ou bien de la paléontologie au transhumanisme. L'expérience quotidienne est davantage attachée à de perpétuels recommencements : l'alternance des jours et des nuits, le retour des saisons, les phases de la lune et les cycles astronomiques, et bien sûr l'inexorable renouvellement des générations de tous les êtres vivants, de la graine à la plante et de la plante à la graine.

L'ensemble de la vie religieuse et sociale est rythmée par le déroulé des fêtes qui sont autant d'anniversaires, de retours temporels ritualisés. Contrairement à la tradition judéo-chrétienne, l'hindouisme considère que l'univers n'a ni commencement ni fin et que, de même que l'homme est destiné à être périodiquement réincarné, il passe selon un rythme immuable par une suite ininterrompue de créations et de destructions.

Le cinéma est un art du temps dynamique. Il raconte des vies, fait des enquêtes, relate des conquêtes amoureuses ou trame des vengeances… Même le héros du film Un jour sans fin parvient à progresser au travers de ses journées sans cesse recommencées, à faire avancer le cours du temps, jusqu'à sa rédemption finale. Theo et Evan, dans L'Étreinte du serpent, ne sont, eux, pas soumis au diktat de la montre et du calendrier. Quant à Karamakate, il est là. Probablement depuis des temps immémoriaux. L'écoulement du temps et l'espace se confondent en lui. Bien que vieillissant, il n'a pas d'âge, et on serait tenté de dire qu'il n'a pas d'attributs tant le personnage est dépouillé.

Bien sûr l'Histoire cherche à s'immiscer dans l'intemporalité de cet univers végétal. Sans parler de la survenue des deux Blancs qui restent attachés à leurs passés, à leurs passions ou aux destinées du monde extérieur, le personnage de Manduca rappelle l'impact de la "Civilisation" sur ce territoire et les sévices que l'exploitation du caoutchouc a infligé aux aborigènes. Plus que tout, la violence du missionnaire, le délire de la secte, et les ravages provoqués par la guerre sont autant de signes de la perversion du temps.

La plaque qui marque la fondation de la mission, et qui devient sujette à la dégradation, souligne malgré tout la précarité des évènements : la forêt reprend possession d'elle et en ronge l'inscription, effaçant les traces de cette écriture qui fut créée pour fixer le passé et poser des jalons dans le déroulement de l'Histoire. N'est-ce pas d'ailleurs sur des écorces arrachées au domaine de la forêt que cette écriture a d'abord été gravée, ce que rappelle l'étymologie du mot "livre" : le latin liber, "écorce" ? Les saignées infligées par les caucheros sur le tronc des hévéas perpétuent de la même façon les traces laissées par l'industrie humaine. Il y a fort à parier que la forêt ne va pas tarder à les effacer et à reprendre ses droits.

En marge de l'Histoire, L'Étreinte du serpent se déroule dans un "temps sans temps", un temps toujours recommencé. Il mélange les époques. L'arrivée en pirogue d'Evan ressemble à celle de Theo et détermine chez Karamakate les mêmes réflexes : s'enfoncer dans la forêt pour regagner sa case, reprendre ses marques. Les deux expéditions se confondent grâce au montage alterné, au point qu'un plan unique relie par-delà les années, dans la nuit et au son envoûtant d'un chant, les deux pirogues voguant sur les mêmes eaux.

Plus qu'une exacte chronologie, c'est la mémoire, ce perpétuel retour que l'on fait sur son propre passé, qui établit le lien entre les personnages et les époques, et qui irrigue tout le film. Une mémoire qui a été bousculée par l'incursion de l'Histoire dans l'immémoriale forêt. Karamakate a vu son peuple décimé par la rapacité et les exactions des étrangers venus se repaître des richesses de la forêt. Il s'est retrouvé seul, coupé de ses origines, de ses souvenirs ; il est devenu un chullachaqui, une ombre de lui-même. Ce n'est qu'à la suite de l'épisode de la secte qu'il retrouve peu à peu conscience et mémoire : « Je commence à me rappeler le savoir que je devais transmettre à mon peuple. » C'est ce devoir de transmission qui réactive le cours du temps : sur la montagne sacrée de l'Atelier des dieux, Evan reprend la quête de Theo que Karamakate avait "tué" " dans le temps sans temps, hier, il y a quarante ans, il y a cent ans, ou même des millions d'années ". Il se retrouve héritier du collier amulette, alors que son prédécesseur se l'était vu arracher, et, de par la disparition de Karamakate, devient de fait le dépositaire de la tradition des Cohiuanos.

dialogue avec la nature

- Le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal.
Le Serpent s'adressant à Ève, Genèse

C'est en buvant le caapi et en rencontrant le Serpent qu'Evan accède à sa nouvelle condition : « Laisse-le t'embrasser. Son étreinte t'emmènera dans des lieux anciens où même l'embryon de la vie n'existe pas… » Nombre de traditions attestent que le serpent, tout rusé ou terrible qu'il puisse être, montre aux hommes le chemin vers la Sagesse et l'immortalité. Manger du fruit de l'Arbre de la Connaissance aurait peut-être pu permettre à Ève et Adam de découvrir l'Arbre de Vie et ainsi de "vivre éternellement", à égalité avec Yahwé, ce que le Très-Haut ne pouvait tolérer. Il dut donc les chasser de ce "lieu ancien" qu'était le Paradis pour les faire entrer dans le temps historique, épisode qui démarque la culture judéo-chrétienne de l'animisme amazonien.

Pour ce dernier, l'homme n'a pas reçu mission de nommer et de dominer tous les êtres vivants de la terre. L'anthropologue Philippe Descola y observe au contraire un « grand continuum social brassant humains et non-humains » qui n'accorde aucune prévalence ni autorité à l'homme. Celui-ci vit en symbiose avec les animaux et les plantes avec lesquels il peut communiquer et qui sont porteurs de précieux messages. Karamakate reste à l'écoute de son environnement, dans l'attente de signes. Il refuse d'abord d'aider Theo et s'énerve. Mais il se reprend à la vue d'un tapir qui le dévisage avant de plonger dans l'eau. Il se met alors à préparer le mambe à base de feuilles de coca, qui soulagera momentanément Theo. Mais ce sont les rêves et les visions induites par la prise de plantes hallucinogènes qui constituent les principales sources d'information des habitants de la forêt. Ainsi s'expliqueraient leur phénoménal savoir botanique et leur connaissance des subtils pouvoirs de certaines plantes qui sont comme autant de « cadeaux offerts par les dieux », comme Karamakate l'enseigne aux enfants de la mission. Reste à savoir si cette acquisition s'opère au niveau du cerveau, ce que dit la science des phénomènes hallucinatoires, ou bien si elle émane des plantes elles-mêmes, comme l'affirme la tradition.

Les rêves détiennent en eux-mêmes le pouvoir de guérir. Dans sa mémoire déficiente, Karamakate se souvient de sa rencontre avec Theo : « J'ai rêvé autrefois de l'esprit d'un Blanc. Il était malade. Il ne pouvait être sauvé que s'il apprenait à rêver. Mais il n'y arrivait pas. » En Grèce aussi, les malades avaient recours au rêve. Après avoir observé des prescriptions purificatrices (abstinence sexuelle ou alimentaire) semblables à celles auxquelles doit se soumettre Theo, ils s'étendaient sur le sol dans le temple d'Asklépios (Esculape pour les Romains), et le dieu les visitait dans leur sommeil pour leur prescrire des traitements médicaux ou les guérir miraculeusement, voire ressusciter les morts. Et, comme par hasard, l'attribut d'Asklépios était un bâton le long duquel s'enroulait un serpent évoquant le pouvoir des forces chtoniennes. Un symbole universel qu'ont adopté, sous le nom impropre de "caducée", les professions médicales.

Le "maître" que se reconnaît Karamakate et qu'il ose donner à consommer à Theo et Evan, ces Blancs qui se montrent incapables de rêver, est le caapi, autrement dit l'ayahuasca, cette puissante substance traditionnellement utilisée pour entrer en transe dans un but divinatoire ou thérapeutique. L'ingestion s'en fait normalement dans un cadre rituel, sous le contrôle d'un chaman. Les visions qu'elle induit sont considérées comme plus réelles que ce que laissent entrevoir nos sens. Les serpents et les jaguars y jouent un rôle prééminent, ce qu'illustre le film. On ne peut manquer d'évoquer à ce sujet, l'association des symboles asiatiques du tigre, qui exprime la force et la puissance, et du dragon, apparenté aux forces primaires de la nature, qui représente la persévérance et l'immortalité.

la conquête de soi

Toutes les plantes, les arbres, les fleurs, sont pleins de sagesse. N'oubliez jamais qui vous êtes, ni d'où vous venez. Ne laissez pas notre chanson s'éteindre.
Karamakate aux enfants de la mission

Le film nous conte le parcours d'un homme : au début, on découvre le reflet, sur l'eau mouvante et informe du fleuve, de Karamakate, accroupi, quasiment en position fœtale ; il s'éveille à l'approche de la pirogue, regarde le ciel, ou bien la cime des arbres, et se lève, en attente ; il s'anime, fait vibrer sa sarbacane. La pirogue, venue de nulle part, prend forme et consistance, émergeant à son tour de l'eau. Troublé dans sa léthargie, il se rebiffe, mais doit se mettre en mouvement ; n'est-il pas le "bouge-monde" ? Il lui faudra remonter jusqu'à ses origines, puis retrouver la mémoire. À la fin, toujours en quête de lui-même, il disparaît, se volatilise, se noie dans le paysage, ou plutôt se perpétue en la personne d'Evan.

Les deux "étrangers" doivent eux aussi accomplir un grand pèlerinage en s'enfonçant dans cette forêt profonde qui cache bien des mystères, des objets de séduction autant que de terreur. On se rappelle la forêt obscure où s'égare Dante, l'épaisse forêt où erre le Petit Poucet, la forêt barbare où, nous dit Lucain, César n'ose pénétrer ou la forêt aventureuse où s'engagent les chevaliers… Celle-ci est vivante, frémissante, elle est un lieu de révélations, véritablement « un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles », comme l'évoquait Baudelaire.

Le double voyage qui, au gré paresseux ou véhément du fleuve, forme la trame du film propose une introspection. Si la motivation de Theo est le savoir, celle d'Evan est l'avoir. Mais tous deux se retrouvent encombrés de leurs passés et de leurs aspirations. Ils vont devoir, peu à peu, se débarrasser de tout ce poids qui risque de les faire couler. C'est d'abord Theo qui doit se séparer de sa boussole, avant que Karamakate jette son fusil, puis lance une valise à l'eau, jusqu'à ce qu'Evan se résolve à y jeter toutes ses affaires, y compris sa montre qui continuait à le rattacher au temps profane : tout sauf ce phono qu'il peut garder parce qu'il le rattache à ses ancêtres, à sa mémoire, et en fait à la Création cosmique puisque c'est ce "rêve" que célèbre la musique de Haydn. Nouvelle transition nocturne qui confond les deux pérégrinations au point d'identifier Evan à Theo, tandis que Karamakate lui (ou leur) confie les préceptes du guerrier : « L'homme cohiuano doit tout abandonner et s'enfoncer seul dans la jungle, guidé par ses rêves. Durant ce voyage, il doit découvrir, seul et en silence, qui il est vraiment. Il doit se transformer en un vagabond des rêves. Certains se perdent, d'autres ne reviennent pas. Mais ceux qui le font sont prêts à tout affronter. » Theo n'est pas mûr, il refuse le rêve, s'effondre et se réveille, terrifié, vidé de lui-même, un véritable chullachaqui. Il n'a pas su rêver. Il devient fou et rompt les interdits.

Evan par contre finit par approcher du but. Après que Kamarakate lui ait prouvé que 1+1 ne faisait pas 2 et qu'il lui ait arraché des mains la carte inutile, il en arrive à lui demander du caapi en espérant pouvoir enfin rêver. Il passe de l'exactitude de la science à la certitude de la foi : « Je ne sais pas, je crois. » Il va être à même de rejoindre le "Temps du rêve", comme les Aborigènes australiens désignent l'ère qui précède la création de la Terre.

L'itinéraire des deux explorateurs se conclut dans des conflits violents, ce qui met en évidence l'exigence de leur démarche. Theo échoue dans sa quête et, en ce qui le concerne, le jaguar happe le serpent. D'aucuns pensent que, pour se réaliser, il faut tuer le serpent en soi, ce qui est le cas d'Apollon, à Delphes, abattant Python, des saints exterminant les dragons ou de Marie qui, de son pied, écrase la tête du serpent. Ce sont là des actes de fondation de la culture occidentale, patriarcale. Alors que la psychanalyse reconnaît désormais, à la base de la conscience humaine, un cerveau reptilien qu'il pourrait être périlleux de saper. Dans la forêt amazonienne, le serpent a gardé toute sa puissance, et si Evan parvient à s'affirmer comme un "homme entier", c'est en se laissant embrasser par le, ou plus précisément la boa. Car le mot est féminin en espagnol, comme la anaconda et la "serpiente" du titre du film, et il est plus que probable qu'il en est de même du concept pour les Aborigènes.

dans les entrailles du serpent

Il s'agit d'affronter la mort sans mourir, descendre dans le Royaume de la Nuit et des morts et d'en revenir vivant.
Mircea Eliade, Mythes, rêves et mystères

Le pèlerinage est nécessairement aventureux, et son cheminement ne peut être que labyrinthique, ce qu'illustre bien cette longue navigation assujettie aux infinis méandres d'un fleuve qui, tout comme les ancêtres des hommes, fut engendré par l'Anaconda céleste descendu de la Voie lactée. Un fleuve qui, lui-même, est serpent. C'est donc le long de ses anneaux, et en suivant son tube digestif que les protagonistes poursuivent leur périple initiatique : un voyage halluciné dont on ne distingue pas le sens ou le terme. Qui peut dire combien de rives a le fleuve ? Des fragments d'histoire, comme cette mission qui devient secte, surgissent et s'effacent dans un espace-temps circulaire qui s'enroule sur lui-même.

Il n'y a donc, comme le dit Karamakate, qu'à se laisser "embrasser" par le serpent, et ainsi revenir à la matrice : plus qu'une "étreinte", une absorption, une fusion favorisée par l'absorption d'ayahuasca. On rejoint là un symbole universel de l'initiation : celui de l'avalement, de la traversée du serpent. On dit en Amazonie que, contrairement aux piranhas qui dévorent les corps sans rien en laisser, l'anaconda revomit les corps qu'il avale, et qu'en cela il est le maître de l'initiation. Pareillement en Australie, les garçons murngin doivent, pour passer à l'âge adulte, être symboliquement ingurgités et recrachés par le grand serpent Yurlinggur, vénéré en tant que gardien de la pluie.

Nombreux sont les mythes qui, à l'exemple du passage de Jonas dans le ventre du gros poisson, font état d'avalements gratifiants, régénérateurs. Mircea Eliade parle de « mystère de mort et de résurrection symbolique [ : ] la réintégration d'un état préformel, embryonnaire, [un retour] au Chaos d'avant la création ». Ainsi chez les Maoris, le héros Maui veut conquérir l'immortalité en parcourant de son vagin à sa bouche le corps de la déesse Hine-nui-te-po. Hélas, le chant des oiseaux la réveille et l'entreprise échoue : ses viscères se resserrent et elle écrase Maui, condamnant l'humanité à la condition mortelle. Les Huichols du Mexique considèrent la nuit comme un gigantesque serpent à deux têtes, dont l'une à l'ouest avale le soleil couchant, et l'autre à l'est le restitue au matin. En Égypte, c'est en tant que serpent cosmique qu'Atoum crache le cosmos au début des temps et le ravale à la fin, tandis que le monde souterrain que traverse la barque solaire pendant la nuit est peuplé de serpents, dont le terrible Apophis que Râ doit affronter ; puis la barque se transforme elle-même en serpent avant d'être tirée à travers un autre serpent dont le dieu émerge de la bouche à l'aube. Le Kalevala de la tradition finnoise rapporte que le sage Väinämöinen est englouti par Antero Vipunen qu'il lacère de l'intérieur jusqu'à ce que le géant le revomisse. Et chez nous, c'est en transperçant son ventre avec une croix que sainte Marguerite peut se libérer du dragon qui l'avait dévorée, et qu'ainsi elle fait triompher la foi.

La sublime fleur

Je ne peux savoir si cette jungle a amorcé en moi le processus qui a mené tant d'autres à la folie. Si c'est le cas, je demande ta compréhension, car je ne peux décrire avec des mots la beauté et l'éclat dont je fus témoin pendant ces heures merveilleuses. A mon retour, j'étais un autre homme.
Theodor von Martius, Amazonie, 1909 (cité en ouverture du film)

Parvenus au terme de leur voyage, les protagonistes découvrent enfin l'arbre sur lequel pousse la yakruna, cette précieuse fleur qui était l'objet de leurs quêtes. Cet arbre isolé, qui pousse en marge de la forêt, relève nécessairement du sacré. Ce ne peut être qu'un axe du monde, planté à la frontière entre Pérou et Colombie, entre tradition et modernité. Poussant au sommet de la montagne de l'Atelier des dieux, comme qui dirait un Olympe amazonien, il touche le ciel. Ses racines se rattachent au grand serpent primordial. On pourrait évoquer à son propos le frêne Yggdrasill de la mythologie nordique dont une des racines baigne dans une source sur laquelle veille le serpent Nidhogg.

Le serpent représente traditionnellement un gardien de l'arbre et de sa production la plus précieuse, qu'il s'agisse de fruits d'immortalité ou de la connaissance du bien et du mal, de la Toison d'or ou de la personne du Bouddha assis au pied d'un arbre autour duquel un serpent s'enroule en déployant le capuchon de ses sept têtes pour protéger sa méditation de l'orage. Ici l'objet de la perfection est sublimé en fleur, une fleur aux vertus exceptionnelles. À noter que ce fantasme d'une fleur extraordinaire protégée par les serpents se trouvait déjà (en 2003) dans un film commercial au titre explicite : Anacondas : à la poursuite de l'orchidée de sang

Cependant l'expédition de Theo s'avère vaine : la yakruna qui aurait pu le guérir a été cultivée et profanée. Karamakate en est réduit à la brûler et à effacer jusqu'à son souvenir. Mais elle ressuscite quarante ans plus tard en une ultime fleur qui apportera l'illumination à Evan auquel le vieux chamane adresse sa dernière exhortation : « Tu dois communier avec elle. »

Le serpent, ou le dragon avec lequel souvent le héros doit lutter pour le soumettre, aura pour lui été un guide qu'il va rejoindre dans son rêve. À la façon du double serpent de la kundalini, figure de l'énergie vitale pour le praticien du yoga, il lui a permis de se réaliser, d'accéder à une nouvelle réalité. Il revoit la silhouette humaine qu'il avait découverte au moment de sa première rencontre avec Karamakate : un dessin sur la pierre parmi tous les êtres de la forêt, perdue au milieu d'une multitude d'autres figures et de chemins. Elle lui apparaît maintenant, assumée, au cœur de son rêve : un "homme entier", et en fait l'ultime représentant du peuple cohiuano, enfin retrouvé, en lequel va se perpétuer la mémoire restaurée du vieil homme.

 

 

Philippe Descola

Philippe Descola est une des grandes figures de l'anthropologie. Il consacre ses recherches de terrain à l'Amazonie équatorienne, auprès des Jivaros Achuar. À partir de la critique du dualisme nature/culture, il met en évidence une autre manière d'être au monde : " Ne pas opérer de distinctions ontologiques tranchées entre les humains, d'une part, et bon nombre d'espèces animales et végétales, d'autre part. La plupart des entités qui peuplent le monde sont reliées les unes aux autres dans un vaste continuum animé par des principes unitaires et gouverné par un identique régime de sociabilité"

C'est ainsi que les Achuar - comme nombre d'autres ethnies de par le monde - rangent certains non-humains parmi les "personnes", dotées de conscience réflexive et d'intentionnalité, capables d'éprouver des émotions et d'échanger des messages avec leurs pairs comme avec les membres d'autres espèces.

Cette conception trouve son écho dans le rejet de l'ethnocentrisme qui voudrait que les hommes se situent au-dessus des autres espèces, et dans la conscience qui s'affirme actuellement selon laquelle les êtres humains font partie d'une grande communauté où chacun est dépendant des autres, lié à l'ensemble des vivants.

Livres

. Philippe DESCOLA, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005 
. Pierre DÉLÉAGE, Le Chant de l'anaconda, Société d'ethnologie, 2010 
. Jacques BROSSE, Mythologie des arbres, Plon, 1989
. Jeremy NARBY, Intelligence dans la nature : En quête du savoir, Buchet Chastel, 2005
. Robert HARRISON, Forêts : Essai sur l'imaginaire occidental, Flammarion, 1992


Les hispanophones pourront consulter en ligne la continuité qui a servi de base à la réalisation du film.

FILMS

. James CAMERON, Avatar, 2009
. Naomi KAWASE, Still the water, 2013
. John BOORMAN, La Forêt d'émeraude, 1985
. Alejandro González IÑARRITU, The Revenant, 2016
. Sidney POLLACK, Jeremiah Johnson, 1972
. Akira KUROSAWA, Dersu Uzala, 1976
. Christophe DESSAINT, Le Jour des corneilles, 2011
. Matt ROSS, Captain Fantastic, 2016
. Rolf DE HEER, Charlies Country , 2012

Programme 2020-21

 

l'étreinte du serpent 

Colombie  - 2018 - 123 minutes - noir et blanc- VO

Réalisation : Ciro Guerra
Scénario : Ciro Guerra, Jacques Toulemonde Vidal
Image : David Gallego
Musique : Nascuy Linares
Interprètes : Jan Bijvoet (Theo), Brionne Davis (Evan), Nilbio Torres (Karamakate jeune), Antonio Bolivar (Karamakate âgé)

 

SUJET
Karamakate, dernier survivant du peuple des Cohiuanos, s'est retiré dans les profondeurs de la forêt. Sa vie est bouleversée par l'arrivée de Theo, un anthropologue allemand malade que seule la yakruna, une plante très puissante, pourrait guérir. Ils partent en pirogue en quête de cette fleur capable d'apprendre à rêver.

Des dizaines d'années plus tard, la solitude a réduit Karamakate à l'état de chullachaqui : un "corps vide", un être humain dépourvu de souvenirs et d'émotions. C'est alors qu'Evan, un ethnobotaniste américain qui a lu les notes de Theo, veut partir à son tour à la recherche de la yakruna. Ils entreprennent ensemble un long périple jusqu'au cœur de la forêt amazonienne et de la conscience, au cours duquel passé et présent, réalité et hallucinations se confondent.

 

Princesse Mononoké

Japon, 1997, 135 minutes, couleurs
film d'animation, présenté en version française.

Réalisation : Hayao Miyazaki
Musique : Joe Hisaishi

AFFICHE

SUJET
C'était le temps des dieux, et le temps des démons … Mais, au XVe siècle, la forêt japonaise recule devant l'activité humaine. Un sanglier, devenu démon dévastateur, en surgit et attaque le village d'Ashitaka. Touché par le sanglier qu'il a tué, celui-ci doit partir à la recherche du dieu-cerf pour lever la malédiction qui lui gangrène le bras. Il se rend dans la forêt peuplée de créatures mythiques en guerre contre les humains. Mais il y rencontre la puissante dame Eboshi qui, prenant appui sur les forges qu'elle dirige, aspire à dominer le monde en terrassant l'esprit de la forêt que défend la princesse Mononoké, fille du dieu-loup Moro... Mais Ashitaka parviendra-t-il à empêcher les hommes et la nature de s'entretuer ?

 

reves

Japon - 1990 - 117 minutes couleurs
Rêverie picturale et écologique

Réalisation : Akira Kurosawa, Inoshiro Honda

SUJET

Ce film propose huit rêves : Soleil sous la pluie, Le Verger aux pêchers, La Tempête de neige, Le Tunnel, Les Corbeaux, Le Mont Fuji en rouge, Les Démons gémissants, Le Village des moulins à eau.

Autant de vignettes au travers desquelles se dessine une continuité ; autant d’estampes qui balayent les âges de la vie et évoquent des moments de civilisation au travers de paysages : la forêt habitée par les esprits, les vergers que l’on rase, la montagne hostile, l’intrusion dans les tableaux tourmentés de Van Gogh, la dévastation nucléaire et la redécouverte d’un cadre de vie harmonieux, respectueux de l’écologie. Une réflexion poétique et picturale à propos de l’influence de l’homme sur l’évolution de son environnement naturel.